(Togo Officiel) - Le Président de la République, Faure Essozimna Gnassingbé, a officiellement ouvert ce lundi les travaux de l’édition 2022 de l’Africa financial industry summit (AFIS). Dans son allocution d’ouverture, le chef de l’Etat s’est réjoui du choix porté sur le Togo, “terre d’accueil et d’encouragement des institutions financières”, et sa capitale, “reconnue comme un acteur important en matière d’industrie financière, dans la sous-région et sur le continent”, pour l’organisation de cet événement.
Le leader togolais est également revenu sur la nécessité de repenser l’avenir de la finance africaine, avec l’implication effective des pouvoirs publics et du secteur privé.
Retrouvez l’intégralité de son discours.
Madame le Premier ministre
Madame la Présidente de l’Assemblée nationale
Madame, Messieurs les Présidents des institutions de la République
Monsieur le Directeur général de Jeune Afrique Media Group
Monsieur le vice-président pour l’Afrique de la Société Financière Internationale
Mesdames, Messieurs les ministres
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et chefs de missions diplomatiques et consulaires
Mesdames, Messieurs les gouverneurs de banques centrales
Mesdames, Messieurs les régulateurs du secteur des assurances
Mesdames, Messieurs les responsables des marchés financiers
Mesdames, Messieurs les députés
Mesdames, Messieurs les Directeurs généraux de sociétés publiques et privées
Chers participants Honorables invités
Mesdames, Messieurs des media Mesdames, Messieurs
Chers amis,
Vous le savez, le Togo a une longue tradition d’accueil et d’encouragement des institutions financières et notre capitale est reconnue comme un acteur important en matière d’industrie financière, dans la sous-région et sur le continent.
D’ailleurs, beaucoup d'entre vous sont des habitués de la capitale togolaise et je me réjouis de reconnaitre dans cette salle ce matin nombre de ceux avec qui j’ai eu ces dernières années, maints entretiens.
A quelques pas des sièges d'Ecobank, de la BIDC, de la BOAD, d'Orabank et de la CICA-RE, les occasions de séjourner au 2 Février ne manquent pas !
Mais, si le cadre vous est familier, la conjoncture mondiale l'est assurément moins.
Comme beaucoup ici, je partage le sentiment que nos échanges au cours de ce forum sur le secteur financier africain interviennent à un moment important.
La Covid-19 et la guerre en Ukraine ont profondément bouleversé la structure de l'économie mondiale, et de nombreux craquements fissurent aujourd'hui la charpente de nos économies.
En avril 2020, le Brent était à 20 dollars, pour culminer à environ 120 dollars en juin dernier et se stabiliser autour des 90 dollars actuellement. Et que dire des taux d'intérêt ?
Fin 2021, le marché estimait que la probabilité que les taux de la Fed dépassent 2,5% en décembre 2022 était nulle. Une majorité des investisseurs s’attendaient à des taux en dessous de 0,75%. Aujourd'hui, la quasi- totalité des investisseurs anticipent des taux autour de 4,5%.
Il serait ensemble dangereux de sous-estimer les conséquences de ces bouleversements, en particulier pour les plus fragiles de nos concitoyens, mais également pour l’ensemble des acteurs économiques et financiers impliqués dans le développement de notre continent.
Jour après jour, nous nous efforçons de répondre aux multiples facettes de cette crise globale qui implique aussi bien des aspects sécuritaires, climatiques, et inflationnistes que des déséquilibres et des dysfonctionnements dans les chaînes logistiques.
Les réponses sont souvent difficiles à formuler et plus encore à mettre en œuvre, parce que de nombreuses problématiques s’imbriquent et que la question du financement des programmes d’action demeure un enjeu déterminant.
Les opportunités d'en débattre ne manquent pas et je suis certain que vos travaux de ces prochains jours apporteront des éclairages essentiels à la prise de décision des pouvoirs publics et des Institutions Financières Internationales qui sont pour nous, des partenaires importants.
Mais je voudrais prendre le temps aujourd'hui de regarder vers l’avenir.
Car ce moment de recomposition laisse entrevoir un paysage financier transformé. Ce sommet est une belle occasion pour penser l'avenir de la finance africaine.
Ce futur, Mesdames, Messieurs, nous le construirons ensemble. Je m'adresse à vous aujourd'hui avec une conviction forte : l'avenir de la finance africaine se construira sur la collaboration étroite entre les gouvernements et le secteur bancaire.
Je reviendrai sur le rôle de l'État dans la recomposition du secteur financier africain. Mais je veux tout de même commencer en rappelant une évidence : sans secteur privé, notre système financier perdrait sa raison d'être.
Car le rôle du banquier -votre métier- n'est pas simplement le financement, mais le financement des bons projets. Et vous le savez bien, la leçon principale du monde des affaires est que les opportunités pour perdre de l'argent ne manquent pas.
La carrière du banquier est tout entière dédiée à séparer le bon grain de l'ivraie.
Sans votre discernement, le système financier serait condamné au gâchis et à l'arbitraire. Après deux ans de crises continues, le gaspillage est un luxe que peu peuvent se permettre. Et certainement pas l'Afrique.
Plus que jamais, les investissements de qualité sont le socle du développement africain. Car sans eux, comment accroître notre capacité de transformation industrielle ? Comment construire les ports, routes et centrales énergétiques si nécessaires à l'ambition de la ZLECAf ?
Mesdames, Messieurs, votre savoir-faire est ainsi votre responsabilité. De vos efforts et de votre sagacité, dépend une bonne part de la prospérité.
Le Togo revendique cet attachement au rôle du secteur privé dans le système bancaire.
L'État doit vous épauler dans cette tâche. Notre succès commun dépend de cette collaboration entre les pouvoirs publics et le secteur financier.
De notre côté, je vois quatre grandes missions.
Combien d'investisseurs étrangers, s'étant rarement rendus sur notre continent, se représentent un environnement des affaires anarchique et impraticable ? La réalité est toute autre et elle s’améliore tous les jours. Qu’il s’agisse de fiscalité, de stabilité juridique ou de contraintes administratives, les progrès sont considérables même si beaucoup reste encore à faire. Mais ce qui a été fait, il faut le faire savoir.
La SFI le sait bien : sans atténuation de ces inquiétudes irrationnelles, de nombreux investissements parfaitement viables risquent d'être ignorés par des investisseurs souvent trop frileux.
C'est dans la construction d'une banque de projets que l'État est votre meilleur allié. Nombreux sont les investisseurs étrangers trouvant que l'offre de projets viables et de qualité dans les pays en développement, le pipeline, reste trop limitée.
Conscient de cette demande toujours croissante, nous travaillons sans relâche pour permettre une juste perception des occasions d’investissements. C’est ainsi que le Togo a développé sa Feuille de Route 2025, offrant une banque de projets cohérente et -dans votre jargon- bancables. Issus d'un travail de longue haleine et d'une connaissance minutieuse du terrain, nous avons pensé ces projets comme le chaînon manquant dans le financement de l'économie par le secteur privé. Pour autant, nous ne nous priverons pas des opportunités qu’offrent les Partenariats-Public- Privé (PPP) qui demeurent un outil pertinent au bénéfice du financement dans les pays en voie de développement.
C’est particulièrement vrai dans le développement des investissements durables. Les investisseurs des pays développés cherchent de plus en plus des opportunités d'investissements responsables. Leurs actionnaires le demandent. Leurs clients le souhaitent. J'en veux pour preuve les montants considérables gérés par des fonds reposant sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, dits ESG. Ils ont atteint aujourd’hui la somme considérable de 36.000 milliards de dollars.
Pourtant, seule une faible partie de ces investissements revient aux pays en développement. C’est qu’au-delà de la question de l’information que j’évoquais à l’instant, il y a la question des externalités. Pour juger du caractère durable et responsable d’un investissement, il faut pouvoir tenir compte des éléments qui touchent à la pollution, à la perte de la diversité, etc. Et là, évidemment, la puissance publique retrouve son rôle d’arbitre entre les résultats positifs de l’investissement en termes de profit et d’emplois d’un côté, et, de l'autre, les contraintes environnementales.
S'il profite à tous les acteurs financiers, le secteur public reste avant tout, l'allié des éléments les plus innovants de la communauté financière. Les exemples abondent.
Au Brésil, où le programme de paiements PIX, amorcé en 2018 et lancé en 2020 par la Banque centrale, a réussi en un an à convaincre 67% des adultes et 60% des entreprises déjà bancarisées. Cette coopération entre la Banque centrale, l'État et le secteur privé a permis, en un temps record, de réduire les coûts de transaction et d’accélérer la bancarisation de l'économie brésilienne.
De même, en Inde, où le programme UPI de la banque centrale a révolutionné le système des paiements, en coopération étroite avec le secteur privé. Géré par la banque centrale et le secteur privé, ce système a enregistré 8,57 milliards de transactions pour le seul mois d'août 2022.
Ici même, au Togo, le programme Novissi et le projet e-ID montrent le lien étroit entre action publique et innovation.
Permettez-moi de conclure d’un mot.
Comme toutes les crises avant elle, celle qui nous frappe aujourd'hui trouvera les voies de sa résolution, un nouvel équilibre macroéconomique s’imposera et l'optimisme reviendra. Cet avenir, il faut que nous le construisions ensemble.
Ensemble, nous identifierons les grands projets qui vont structurer le continent. Ensemble, nous attirerons les investisseurs étrangers en quête d'investissements durables. Et ensemble nous saurons révolutionner le secteur de la finance africaine.
C’est sur cette note de confiance que je souhaite de fructueux travaux à la deuxième édition de l’Africa Financial Industry Summit.
Je vous remercie.