Le ministre des affaires étrangères revient sur « l’année remarquable » et les nouvelles orientations de la diplomatie togolaise

Publié le samedi, 29 décembre 2018 02:16

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(Togo Officiel) - A la faveur d’une interview, le ministre des Affaires étrangères, de la coopération et de l’intégration africaine, Robert Dussey, a fait le bilan de l’année 2018 de la diplomatie togolaise, une année qualifiée de « remarquable ». Sommets internationaux abrités, négociations ACP pilotées par le Togo, pacte mondial sur la migration, présence du Togo au sein des institutions et organes de l’Onu, Robert Dussey est revenu sur les grandes lignes des nouvelles orientations de la diplomatie togolaise. Interview.

L’année 2018 a été très riche pour le Togo sur le plan diplomatique. Vos actions confirment cette renaissance de la diplomatie togolaise enclenchée il y a quelques années. Dites-nous, quelle est la clé de voûte de ce renouveau diplomatique ?

Robert Dussey: Je vous remercie pour l’opportunité que vous me  donnez de revenir sur la nouvelle orientation de la diplomatie togolaise. Comme vous le dites, 2018 a été une année remarquable pour la diplomatie togolaise.

Ceci est le résultat d’une nouvelle impulsion, insufflée depuis quelques années par le Chef de l’Etat, S.E.M. Faure Essozimna Gnassingbe, qui a demandé aux acteurs de la diplomatie togolaise de travailler à redorer l’image de marque de notre pays, à rendre effectif l’engagement du Togo de contribuer significativement à la construction d’un monde pacifique, juste et équitable et surtout à mettre l’action diplomatique au service du développement à travers la coopération internationale. 

Avons-nous réussi atteindre ces objectifs ? Je ne saurai le dire car on ne peut danser et s’apprécier à la fois, dit-on souvent. Vous qui nous observez si vous dites qu’on a eu des progrès notables, je ne peux que vous croire et m’en réjouir.

Robert Dussey, concernant justement la coopération internationale que vous évoquez à l’instant, nous avons tous été témoins des grandes rencontres internationales que le Togo a abritées en cette année 2018. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur l’intérêt et les retombées de telles rencontres pour le Togo ? Je voudrais évoquer le sommet de la CEDEAO, et celui conjoint CEEAC-CEDEAO, notamment.

R.D : Ces rencontres internationales comme vous le dites ont été d’un grand intérêt pour toutes les parties prenantes. Cet intérêt se mesure à l’aune des thématiques abordées notamment la paix et la sécurité, le terrorisme et l’extrémisme violent, le développement.

Pour nous, le succès de ces conférences et sommets, tenus à Lomé, confirme le retour réussi du Togo dans le concert des nations. Plus que tout, et comme je l’ai relevé plus haut, le Togo entend jouer le rôle qui est le sien dans la construction d’un monde pacifique. C’est fort de cet engagement et prenant conscience des ravages que causent le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique centrale et de l’Ouest, qu’il a entrepris d’organiser le sommet conjoint de la CEDEAO et de la CEEAC. Nous demeurons convaincus que c’est par la concertation et la conjugaison des efforts que les deux régions viendront à bout de ces fléaux.

Pour votre information, c’est cette même philosophie qui avait amené notre pays à organiser en octobre 2016 le sommet sur la sécurité, la sûreté maritime et le développement en Afrique.

Par ailleurs, Lomé a abrité la 53ème session ordinaire des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, le 31 juillet 2018. Ce sommet a marqué la fin de la présidence du Togo à la tête de l’institution communautaire. Durant sa présidence, le Togo a géré, avec succès, la crise politique que traversait la Guinée-Bissau depuis plusieurs années. Tous ces sommets ont eu le mérite de contribuer à améliorer la visibilité du Togo.

Suite à la 107ème session du Conseil des ministres ACP et à la 43ème session du Conseil des ministres ACP-UE, les négociations ont été enclenchées en vue de la signature d’un nouvel accord de partenariat entre les deux blocs à partir de 2020. Qu’en est-il concrètement ?

R.D : Pour préciser, retenez que la 107ème session du Conseil des ministres ACP et la 43ème session du Conseil des ministres ACP-UE se sont tenues à Lomé, du 27 mai au 1er juin de cette année 2018.

Ces deux réunions étaient effectivement consacrées, pour l’essentiel, aux préparatifs des négociations pour la conclusion d’un nouvel accord de partenariat qui entrera en vigueur à partir de 2020.

En effet, depuis plus de quatre décennies, la question du développement des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) a été au cœur d’un accord de partenariat entre ce groupe d’Etats et l’Union Européenne (UE). La signature de cet accord, dit « Convention de Lomé », remonte à 1975.

Ce dispositif conclu par l’Europe avec ses anciennes colonies a été qualifié de « modèle unique pour la coopération Nord-Sud » au regard de son caractère juridiquement contraignant, de sa portée globale incluant l’aide, le commerce et la coopération politique, de ses institutions communes, de son mécanisme de cogestion, ainsi que de la création d’un instrument financier spécifique, le Fonds européen de développement (FED).

Depuis le 25 juin 2000, les ACP et l’UE ont décidé de remplacer la Convention de Lomé par un nouvel accord signé à Cotonou pour une durée de 20 ans. A un an de l’expiration de cet accord, il y a lieu de réfléchir sur les futures relations entre les ACP et l’UE. D’où le lancement officiel, le 28 septembre 2018 à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, des négociations en vue de l’élaboration du futur accord ACP-UE.

Il faut préciser qu’à l’issue de l’adoption du Mandat de négociation ACP lors du Conseil des ministres à Lomé, nous avons été désignés pour être le négociateur en Chef du Groupe ACP pour l’accord post Cotonou. Nous assumons cette charge avec beaucoup de responsabilité, ayant conscience des enjeux immenses que cela représente pour les 79 pays ACP.

La première série de négociations vient de prendre fin avec des résultats sensibles que nous saluons et nous sommes optimistes pour la suite du processus afin de conclure un accord qui offre de meilleures opportunités pour nos populations.

Comme je le soulignais déjà en octobre à Bruxelles, le post-Cotonou appelle à un changement de paradigme, à une nouvelle approche qui devra sortir les pays ACP de l’immobilisme.

Sur un tout autre sujet, nous notons qu’un pacte mondial a été adopté à Marrakech le 10 décembre dernier afin de garantir des migrations sûres, ordonnées et régulières. De quoi s’agit-il, Monsieur le ministre ?

R.D : Je dois d’abord souligner que les migrations, qu’elles soient internes ou internationales, sont aujourd’hui au cœur des grands débats mondiaux. En 2017, par exemple, l’ONU a chiffré à 258 millions, le nombre de migrants dans le monde. Ce qui représente près de 3,4% de la population de notre planète.

Mais l’aspect inquiétant du phénomène migratoire, qui appelle à plus de concertation et de coopération au niveau mondial, réside dans la clandestinité organisée savamment par des réseaux criminels de trafic et de traite à la recherche de gains sordides. C’est vrai que les migrations de masse sont induites par des causes structurelles telles que les changements climatiques, la pauvreté, les guerres et le terrorisme qui favorisent la floraison des routes migratoires irrégulières.

A cet égard, les Chefs d’Etats et de Gouvernement du système des Nations Unies ont, par une déclaration dite de New York adoptée à l’unanimité, le 16 septembre 2016, pris la juste mesure de la nécessité de mettre en place un cadre mondial de coopération afin d’assurer une meilleure gouvernance des migrations.

A la suite de cet engagement, le Secrétaire général des Nations Unies a lancé en avril 2017 un processus de consultations et de négociations intergouvernementales aux fins de l’élaboration du pacte mondial sur les migrations sûres, ordonnées et régulières.

Ce pacte, qui est adopté le 10 décembre dernier à Marrakech, vise à améliorer la coopération internationale en matière de gouvernance des migrations, étant entendu qu’elles constituent indéniablement un facteur de prospérité et de développement.

Il traduit également la volonté manifeste des Etats de renforcer la coopération internationale afin de lutter efficacement contre l’émigration à haut risque. Je souligne que le Pacte est juridiquement non contraignant, respectueux de la souveraineté des Etats.

Pour finir, donnez-nous une idée de la présence du Togo au sein des organisations internationales en 2018. Comment assurez-vous le placement des Togolais dans ces structures ?

R.D : Sur cette question, je vais juste procéder par illustrations : au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le Togo a été réélu pour un mandat de 2 ans (2018-2020). C’est une opportunité pour le pays d’agir pour l’amélioration de la protection des droits de l’homme partout dans le monde.

Le Togo est également élu membre du Conseil économique et social des Nations Unies pour la période 2019-2020. Cette position offre une bonne occasion à mon pays de contribuer à faire avancer la mise en œuvre de l’agenda 2030 pour le développement durable.

A ce titre, il me plait de vous signaler que le Togo est, avec la République de Belize, pays pilote pour expérimenter la nouvelle approche proposée par les Nations unies en matière de planification du développement.

En outre, le Gouvernement a œuvré pour l’élection des cadres togolais au sein de certains organes décisionnels internationaux  comme par exemple le Comité des droits de l’enfant au sein du système des Nations Unies, le poste de commissaire au commerce, douanes et libre circulation, ainsi que celui de directeur général du Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) au sein de la CEDEAO.

Le succès de ces candidatures démontre à suffisance la reconnaissance de l’expertise togolaise à l’extérieur.

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